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Ce n'est pas le stress qui vous stresse

Nous allons nous intéresser aujourd'hui à une étude parue en 2018 sous le titre de « Théorie du Stress lié à l'Insécurité Généralisée », GUTS pour les intimes.
Qu'est-ce qu'elle apporte de nouveau ?
Quelles sont les conséquences que cela impliquent dans la prise en charge thérapeutique des personnes anxieuses ?

Nous sommes les descendants des plus stressés 1 2

Pour pouvoir survivre dans le monde d’il y a quelques dizaines de milliers d’années, nos ancêtres devaient rester sans cesse aux aguets. En effet, il était préférable de réagir au moindre bruit de branche cassée, même par un oiseau, que de rester passif et que le petit oiseau se révèle être finalement un tigre à dent de sabre…

Voilà qui me rappelle une blague :

Deux amis marchent dans la savane. L’un des deux demande : «
- Si on se faisait attaquer par un lion, est-ce que tu crois que tu arriverais à courir assez vite pour ne pas te faire manger ?
- Je n’aurais pas besoin de courir plus vite que le lion pour rester en vie. »
Son ami, étonné : « Ah bon ! Mais comment est-ce que tu ferais ? »
- « Il suffirait juste que je cours plus vite que toi. »

Nos arrière-arrière-…-…-arrière-grands-parents étaient donc plus rapides que leurs collègues mais aussi plus attentifs à leur environnement.

Grâce aux connaissances neurobiologiques et à la théorie de l’évolution, nous savons désormais que la réponse au stress est notre fonctionnement par défaut et que c’est ce qui a permit aux espèces actuelles de survivre. Ainsi, c’est uniquement lorsqu’une sensation de sécurité apparait que le stress est inhibé.

D’après les auteurs de la théorie de l’insécurité généralisée du stress3, la perception d’insécurité est basée sur l’intolérence à l’incertitude et non sur un évènement déclencheur spécifique.

Révolution dans la prise en charge des patients

Ceci est à l’opposé des théories actuelles qui décrivent le stress comme une réponse à un stresseur, et cette différence implique de grandes changements dans notre compréhension.

Pourquoi le stress continue alors que le stresseur a disparu ?

Jusqu’à présent, les théories du stress actuelles ont du mal à expliquer pourquoi les signes physiologiques associés au stress (sécrétion de cortisol, tachycardie ou artyhmie, tension artérielle…) perdurent aussi longtemps une fois l’évènement stressant passé.

Cette étude nous dit qu’un simple manque d’informations sur la sécurité est suffisant pour que les modifications hormonales, cardiaques… persistent.

Dès lors, il ne faut plus se demander ce qui déclenche le stress mais plutôt comment retrouver une sensation de sécurité.

Du stress imperceptible

Une autre conséquence importante de la notion de réponse au stress en tant que réponse par défaut est qu’elle est largement inconsciente. Il y a trois raisons à cela :

  1. Ce système s’est développé bien avant que la conscience émerge chez nos ancêtres.
  2. Sa nature continue fait que nous avons du mal à la détecter. Ainsi c’est souvent lors des phases de changement (apparition ou disparition du stress) que des sensations peuvent émerger à notre conscience.
  3. Elle est largement déterminée pendant les stades prénataux et précoces de la vie auxquels nous n’avons pas accès de manière consciente.

Des conditions stressantes beaucoup plus fréquentes qu’imaginées

Les chercheurs de cette étude ont en effet déterminé de nombreuses situations très courantes, sans facteurs de stress, dans lesquelles l’activité physiologique du stress peut être détectée :

  • la solitude,
  • un statut social bas,
  • des adultes ayants subit de la maltraitance infantile,
  • trop d’environnement urbain et un manque d’environnement naturel,
  • des états physiques moins en forme tels que l’obésité ou la fatigue.

Il semblerait que ce soit notre moins bonne capacité à réagir physiquement aux menaces éventuelles de l’environnement qui conduit notre cerveau à interpréter ces situations comme manquant de sécurité.

Il apparait également que les patients anxieux interprètent des situations menaçante ou ambigües comme plus dangereuses que des patients sans troubles de l’anxiété. En d’autres termes, ils n’arrivent plus à reconnaitre des situations neutres comme étant sûres.4
Et lorsque le monde entier vous semble rempli d’insécurités, votre corps est constamment sur le qui-vive en se préparant à fuir ou à lutter.

Or, comme nous l’avons déjà vu dans un article qui explique pourquoi votre ostéopathe peut vous poser des questions qui n’ont rien à voir avec votre douleur, le stress est problématique lorsqu’il s’installe et devient chronique.

Conclusion

Vous savez désormais que la réaction de stress est une réaction par défaut qui s’active en l’absence d’information sur la sécurité ou lorsque la sécurité n’est pas perçue.

La réponse au stress est largement insconsciente de part notamment l’ancienneté de son apparition et sa mise en place dès la vie intra-utérine.

Enfin vous avez vu que cette sensation d’insécurité peut être provoquée par des évènements stressants répétitifs mais aussi par une mauvaise condition physique, la solitude etc…

Vous aurez donc compris l’importance de retrouver une sensation de sécurité grâce à des balades dans la nature, la reprise d’une activité — du Tai Chi à la boxe ou de la randonnée, peu importe —, des techniques respiratoires et de la méditation ainsi que nouer du lien social.

Et après ?

Je vous propose d’entrer un peu plus dans les détails des rouages du stress sous le seuil de conscience. Vous comprendrez mieux pourquoi vous ne ressentez pas forcément le stress grâce à l’éclairage apporté par la Théorie Polyvagale, et vous trouverez aussi un exercice à faire pour reprendre contact avec ces sensations.

Sources

  1. Nettle D, Bateson M. The evolutionary origins of mood and its disorders. Curr Biol. 2012 Sep 11;22(17):R712-21. doi: 10.1016/j.cub.2012.06.020. PMID: 22975002.

  2. Bateson M, Brilot B, Nettle D. Anxiety: an evolutionary approach. Can J Psychiatry. 2011 Dec;56(12):707-15. doi: 10.1177/070674371105601202. PMID: 22152639.

  3. Brosschot JF, Verkuil B, Thayer JF. Generalized Unsafety Theory of Stress: Unsafe Environments and Conditions, and the Default Stress Response. Int J Environ Res Public Health. 2018 Mar 7;15(3):464. doi: 10.3390/ijerph15030464. PMID: 29518937; PMCID: PMC5877009.

  4. Brosschot JF, Verkuil B, Thayer JF. The default response to uncertainty and the importance of perceived safety in anxiety and stress: An evolution-theoretical perspective. J Anxiety Disord. 2016 Jun;41:22-34. doi: 10.1016/j.janxdis.2016.04.012. Epub 2016 May 7. PMID: 27259803.

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